Magnus, le paresseux

Anecdotes

◈ Issu d’une famille d’ingénieurs où son esprit vif  son absence d’ambition l’ont conduit à suivre la voie toute tracée sans vraiment rechigner. ◈ Dépourvu d’ambition et souffrant d’un très profond et puissant instinct de conservation, il écoute toujours sa couardise pour se protéger. ◈ Une part de sa personnalité le ferait passer pour un utopiste et un idéaliste, bien qu’il fasse tout pour la dissimuler. ◈ Il rêve du ciel, de recevoir de fines gouttes de pluie, de percevoir dans les nuages des formes familières, mais surtout d’une liberté d’aller et venir partout où il le veut, sans contrainte. ◈ C’est dégoté un atelier où il bricole toutes sortes de machines, assoiffé des savoirs perdus. ◈ Comme son grand-père avec son père, son père lui a offert sept coffrets d’outils qu’il a fabriqué à l’identique des siens pour lui en faire cadeau, sous la forme d’un rite de passage du clan lors de l’anniversaire de ses dix-huit ans, ils sont son trésor.  ◈ Il vit dans un double box avec ses grands-parents, ses parents et sa sœur, dans le quartier Scilla du niveau 2. ◈



Vision d’ensemble

Vous connaissez le gentil garçon, si discret que l’on en vient à le croire invisible, tel est le jeune Magnus. Quoi qu’il n’ait pas beaucoup changé avec les années, il a développé un embryon d’autonomie caractériel lorsque sa famille projetait une alliance dans son dos. Certes, il s’agissait d’allusions plus ou moins habiles que ses proches ont sempiternellement tenté de faire entendre à ce rebelle amorphe qu’il n’était pas taillé pour l’aventure. Sa famille allant même jusqu’à pousser ce conditionnement en essayant de lui faire avaler l’idée saugrenue, qu’il serait bien avisé de s’enticher d’une gentille fille appartenant à l’une des puissantes familles d’Hélion, les Wyllam.
Retournant ce positionnement de pièce sur un plateau d’échec par une simple remarque ; ‘‘.. les conseillers ne l’étaient pas par héritage.’’. Mais en dehors de cette fulgurance, il demeurait un gentil ‘‘toutou’’ aux ordres du conseil, de sa famille et des relations de son père, du moins en apparence.

Autant dire, que sa placidité et son indifférence faces aux attentes de sa famille aboutissaient à l’agacement de cette dernière, dont tous les membres de son petit univers n’hésitaient à rappeler sa position et ses devoirs envers la communauté. Tous ces arguments n’avaient guère de prise sur lui, tout au plus se sentait-il redevable de l’acquisition d’un savoir et d’une méthodologie pour en collecter de nouveaux.
Car il est un domaine où son manque d’ambition et sa placidité lui avait été plus que bénéfique. En effet, il avait toujours été sage et attentif à l’enseignement de son défunt père, sans se projeter plus loin qu’au lendemain.

Cependant, durant son enfance, il développa une fantasque obsession pour l’extérieur ou plus exactement pour la nature sauvage de l’extérieur, du moins pour ses proches. Comment, sous la seule vision d’une vieille photo trouvée durant ses vagabondages interdits avait pu lui faire imaginer qu’une vie plus riche et enrichissante existait en dehors du dôme. Conscient qu’il serait nuisible et peu reconnaissant envers sa famille de balancer que son seul plan pour l’avenir consistait à se libérer d’un carcan trop protecteur, si triste et sans l’espérance à cultiver pour justifier son existence.

Dépourvu de la moindre ambition personnelle, il a conservé la souplesse d’existence comme tout en chacun avec ce que sa mère lui a apporté par sa nature profondément humaniste. Car, alors qu’elle n’était qu’une fille de réfugiés sans véritable talent, son union dans les couches supérieures de la société ne lui apporta que des regards concupiscents et suffisants de son nouvel entourage. Cependant, la communauté d’Hélion radoucit son jugement au fil du développement de ses deux enfants, qui s’intégrait parfaitement à l’ordre social et sa hiérarchisation.
Doté d’une intelligence et d’une finesse d’esprit à percevoir les mauvaises intentions à son égard, Magnus ne se formalisa jamais d’un abord froid. Bien au contraire, c’est une trop généreuse attention d’inconnus qui le rendait suspicieux, sans pour autant en changer son comportement ou sa routine quotidienne. Seule sa sœur, plus exubérante et sa cadette, avait le pouvoir de le sortir de son calme ordinaire.

Cependant, le tableau ne serait être parfait, une tendance à la procrastination naturelle et instinctive, le font souvent comparer à un paresseux, alors qu’il n’en est rien, il avance à son rythme et sans s’occuper des considérations et obligations que l’on tente en vain de lui administrer. Contrairement à sa sœur, plus curieuse et téméraire, qui choisit le domaine de la recherche à celui du ‘‘bricolage’’ selon ses mots.
Très longtemps, on les prit pour des inséparables, même avec les frivolités sentimentales vécu à des périodes décalées. On ne comprit jamais pourquoi cette jeune fille si attachée à sa famille avait décidé de disparaitre. Pendant deux ans, Magnus devint aussi instable et désireux d’aller voir dehors ce qui avait attiré sa sœur, mais le goût du confort et de sa routine l’en avait freiné à suivre la folie de son exemple. Combien de temps allait durer cette couardise, personne ne le savait, mais tout son entourage avait désormais les yeux constamment sur ce potentiel fuyard.

Histoire

Tout commença une insipide et ordinaire journée à Hélion, alors que le cinquième jour de janvier prenait fin, la naissance de l’héritier dans la famille Silmaris mis un semblant d’activités et de désordres dans l’ennuyeuse routine du clan. Représentant la quatrième génération appelée à servir la communauté du dôme, l’enfant avait eu la chance de naître au sein de la protectrice cité, survivante d’un antique savoir si fragile à entretenir dans ce chaos organisé.
Les débuts ne furent guère différents de la norme au sein d’une classe de privilégiés, arrogant sans l’être ostensiblement et de manière trop affichée, le nouveau né poussa ses premiers caprices bien vite satisfait. Mais il n’y avait aucun doute, la cuillère qui le nourrissait n’était pas de bois ou d’un quelconque rebut dont les malchanceux se contentaient. La prochaine génération du clan Silmaris avait vu le jour du côté des privilégiés, mais pour l’heure il était loin d’en percevoir l’étendue de cette chance.
Choyé, dorloté et objet de toutes les attentions, le jeune Magnus grandit sans rencontrer la vérité et l’âpreté du monde qui était le sien durant de nombreuses années. Inconscient que sous la douceur de vivre et la routine d’un père qui vous apprend à lire, à écrire et à calculer, une société en proie à une déliquescence lente et sans fin, renfermait une dureté et une injustice flagrante.

Ce ne fût qu’au lendemain de son quatorzième anniversaire qu’une gifle nommée réalité lui assainît une remise en question de ses certitudes, sans pour autant en altérer les convictions que le système mis en place était le meilleur possible.
Non, la seule source de désordre aux yeux du bambin demeurait le parasite qui avait envahi son paradis depuis huit ans et ne cessait pas d’assombrir sa parfaite vie de trésor familial, sa sœur Sunniva. Tandis que tout le monde la surnommait ‘‘Sanna’’, son grand frère la dénommait la pest’glue.
Pourquoi fallait-il qu’elle le suive partout et n’arrête pas de le noyer de questions comme s’il savait tout ?
Toutefois, le placide adolescent admirait l’audace et le courage de sa cadette, souvent réprimandé, mais pas assagit pour autant. Plus qu’il ne voulait bien l’admettre, il lui arrivait même de la couvrir lors de ses escapades aventurières, conscient qu’une nature libre comme la sienne se serait étiolé jusqu’à une fin tragique si l’on la contraignait à trop de rigueur et de règles.

L’adolescent eut cependant raison pour son acceptation pleine et entière à la propagande communautaire relayée par sa famille. L’observation des disparités de qualités de vie selon les strates de la cité avait réveillé un sentiment dont Magnus se pensait dépourvu, son goût du confort et de la sécurité. Et malgré le fait, que les hormones imposaient souvent leur loi à cette période furent également présentes chez le petit Magnus, elles n’eurent pas l’impact habituel sur la personnalité du jeune homme. Au lieu d’afficher un physique plaisant avec une arrogance toute attendue au regard de sa condition sociale, il se montra timoré, non pas par timidité, mais par sa remise en question de ce que devrait être son avenir. Toujours bonne élève, voir même en avance par rapport à l’avancement de son projet éducatif par rapport à celui de son père au même âge, alors qu’il avait été planifié par son grand-père Angus, la troisième génération d’ingénieur de la famille Silmaris vivait un bogue dans sa programmation.

L’origine de ce grain de sable dans les engrenages, une fille bien sûr. Alors qu’il ne s’y intéressait guère, il devint pour une raison dont il ignora toujours les origines, la cible des persécutions d’une jeune fille ayant l’incroyable capacité de ne pas se faire engueuler alors qu’elle ne cessait pas de l’embêter. La « peste gazeuse » comme il l’avait surnommé, par une digression sémantique des plus hasardeuse de son prénom Leticya en ‘‘Léti Cyanogène’’. Autant dire qu’entre sa brillante sœur et cette demoiselle casses-bonbons, le passage de l’enfance à l’âge adulte avait un parfum malodorant, voir même douloureux à certaines occasions. Toutefois, ces égarements émotionnels construisirent la personnalité réservée et très en retrait du jeune homme, ce qui laissa penser que la couardise en était la source. En réalité, il préférait garder une distance d’apaisement à son environnement plutôt que de chercher une relation sentimentale dont cette société de survies ni voyait aucun profit.
Malgré tout, une ombre de plus en plus sombre sur sa vision d’Hélion et de son organisation s’initiait, pour ne pas dire s’installait dans une perception autrefois idéale. Pas assez pour le faire basculer dans le camp des rebelles, mais suffisante pour ne plus montrer l’aveugle enthousiasme des débuts de son apprentissage à reprendre la charge de son père au sein de l’organigramme de la cité.

C’est durant cette période, que l’aîné de la descendance Silmaris afficha pour la première fois son masque d’indifférence, améliorant continuellement une neutralité cultivée pour satisfaire sa famille, mais surtout tromper la méfiance des autorités. Ces dernières ne pouvant pas accepter une adhésion pleine et automatique aux exigences d’une société, qui se savait imparfaite. Tous les jeunes, ceux de la bonne société n’étant guère différente de celle de la populace appartenant à la fange des bas niveaux. Une révolte attendue bien que craint, mais dont les apprentis « chiens fous » comprenait bien vite tout l’intérêt d’intégrer la couche de l’élite et de taire les hurlantes demandes de changements.

Au fil des années, il gagna en distance et en méfiance vis-à-vis de certitudes que l’on souhaitait lui imposer en vérité à accepter sans douter de leur légitimité. Éduqué sur la retenue à adopter par son grand-père Angus, qui, en ayant longtemps fréquenté les hauts responsables d’Helion, en particulier le conseiller Melheor, en avait retenu la prudente et sage conduite de la comédie à interpréter. Conscient très tôt que le sieur Carstan feignait une amitié pour garder un œil sur un personnel indispensable au bon fonctionnement du dôme. Angus n’obtient jamais rien directement de la part du savant, bien qu’une émulation intellectuelle fût en elle-même un présent parfois utile à l’ingénieur responsable de la gestion de la qualité de l’air.

Était-il aussi intervenu dans l’obtention de ce double box dans le quartier Scilla pour sa famille ?.. Bien sûr que non, mais bon… Les faux-semblants fonctionnent dans les deux sens !

Beaucoup plus tard, le doyen du clan n’eut aucun doute sur une intervention de son ‘‘bien étrange ami’’ dans les destinés de ses petits enfants. Le méfiant Angus se montrait naïf avec l’âge, car il était convaincu que la facilité à placer sa petite fille dans le centre de recherche du secteur 6 pour en faire une microbiologiste utile à la communauté et la mutation de Magnus à la maintenance des divers centres de recherches au sein du département 1 devait beaucoup à l’apparente relation amicale avec cet égocentrique de Melheor. Au grand damne du jeune homme, qui pensait son grand-père loin de la réalité et de ses lectures passées du personnage, persuadé qu’il était qu’aux yeux du narcissique politicien, son papy était remplaçable et que cette fausse sollicitude n’était que du vent en vue de garder un contrôle total. Il fit d’ailleurs part de son inquiétude à sa sœur qui semblait beaucoup intéressée le vieux manipulateur.

C’est également pendant cette phase de formation professionnelle que son papy devenait son maître en toutes choses et pas uniquement technologiques, qu’il se rapprocha encore un peu plus de sa mère. Ce lien allait d’ailleurs lui être d’une grande aide lorsque les grands-parents et son père avait planifié une union avec une demoiselle proprette appartenant à l’une des plus grandes familles, les Wyllam. Même si ladite famille avait donné un conseiller, ainsi que de nombreux et talentueux serviteurs d’Hélion et bien qu’il connaisse la demoiselle depuis de nombreuses années, pour avoir participé à des parties de jeux enfantins, Magnus dressa un intransigeant, rare et premier refus sur ce projet d’un autre temps.

Non !.. Pas question !...
Ses vingt ans ne pourraient être enterrés dans la conformité d’une routine familiale qui lui était déjà très pesante sans qu’il soit plongé dans une routine d’un couple sans amour. Pour la première fois, il brisa sa placidité naturelle et son obéissance en temps normal acquise de fait, pour libérer un visage inconnu des siens. Celui d’une autonomie, d’une individualité qu’il avait longtemps enfermé dans les ténèbres de l’unité du clan par nécessité.
Cette fois, il disait non…
Comment un père si avenant et attentif à ses aspirations jusqu’alors et qui avait rompu avec ce protocole suranné pour s’unir à un amour sincère avait pu planifier une telle manipulation de son avenir.
Alors qu’un éclat incompréhensible pour la majorité de siens le mettait en mauvaise posture, il reçut un soutien sans limite d’une mère et d’une sœur, pour rentrer en résistance. En vérité, cette dernière avait tout à gagner à ce que son grand frère puisse choisir sa future compagne. Car, un combat avec des parentés de but quoique plus complexe et plus difficile sous la raison s’en verrait grandement facilité, si son aîné chassait ce genre de projets qui entraveraient ses aspirations. Il n’avait d’ailleurs aucun doute sur les motivations de sa cadette, connaissant les inclinaisons que sa sœur n’avait partagé qu’avec lui. Non pas que Magnus ait de semblables orientations dans le choix de ses partenaires, mais il possédait un petit côté romantique qui ne s’accordait guère avec une union planifiée.

Cependant, cette première révolte en entraîna d’autres dans son sillage, sans s’emballer vers des extrêmes que la nature pantouflarde du jeune Magnus ne pourrait jamais assumer et affronter. Ce qui fut salvateur, car la petite peste prétentieuse de son enfance avait choisi le doux génie comme cible de ses plaisanteries et taquineries diverses, comme un retour en arrière dont le jeune homme se serait bien passé. Tout deux résidant au niveau 2, l’enfer du discret Magnus se poursuivait jusqu’au double box où il vivait avec ses parents et ses grands-parents.
Sans qu’il en soit conscient, cette phase de tourments permanents avait eu un aspect positif, élevé dans les principes d’un ‘‘gentleman agreement’’, il s’endurcissait et il n’affichait plus la moindre émotion aux regards extérieurs. Puis, lorsque son père eut finis l’instruction et la formation de son fils, il fut aussitôt muté du pôle technique au secteur 1. Officiellement chargé de la maintenance de tous les centres de recherches, il était rattaché à l'équipe des chercheurs développants les nouvelles technologies liées au dôme.

Malgré les contraintes sécuritaires que lui imposait son poste, il gardait un contact indispensable avec sa sœur, dont il devint le confident sur le secret des semblables attirances pour la gente féminine, mais aussi sur les inquiétudes qu’elle ressentait face à certaines recherches, quelques peu dangereuses et d’une moralité douteuse.
Alors que les années passaient sans heurts ni de révolution tonitruante, le jeune ingénieur gagnait en maturité et en indépendance au fil de ses rencontres et de ses échanges avec des esprits vifs et fins dans l’analyse du monde. Gardant son violon d’Ingres pour sa seule connaissance sans vraiment en faire un secret d’état, il en avait fait une soupape face à cette uniformité lourde et pesante. Toutefois, ces petites escapades dans les profondeurs souterraines du dôme l’avaient mis en rapport avec d’autres visions que celles dont on lui avait bourré le crâne. Découvrant que même la ‘‘peste gazeuse’’ avait choisi de sortir du dôme protecteur pour s’aventurer vers l’inconnue. Puis, choppant des bribes de conversions, il découvrit un autre monde.