Amuk - looking for redemption

Anecdotes

Amuk vient d'arriver à Steros, il est encore en observation pour décider de son intégration ou pas, mais aussi de son futur métier ◈ Il est bon cavalier, les chevaux étaient indispensable pour traverser le désert lorsqu'il y était. Il a donc grandi en montant ces grands animaux ◈ Il manie très bien le bâton, une arme un peu plus grande que lui, obtenue il y a bien longtemps en tant que paiement contre un esclave ◈ Il cuisine très bien avec les moyens du bord. Il était en charge de faire à manger dans son groupe, la plupart du temps ◈ Il n'aime pas aborder son passé d'esclavagiste et le passe sous silence lorsqu'il le peut ◈ Il a du mal à s'adapter au rythme de vie sédentaire, ayant été nomade toute sa vie ◈ La chaleur du désert lui manque, le froid relatif qui sévit sur Steros en comparaison suffit pour le faire frissonner à longueur de temps.

Histoire

« Je suis né dans le fin fond du désert. Mes parents n'étaient pas les meilleurs des hommes. Beaucoup pourraient même considérer qu'ils sont parmi les pires. Pourtant, auprès d'eux je ne manquais de rien. » Amuk gardait un souvenir très vif de son enfance. Pour autant qu'il puisse en juger, il avait été heureux, contrairement à la plupart de ceux qu'il avait rencontré. Son regard brun était occupé à fixer le sol rocheux devant lui alors qu'il se laissait envahir par les souvenirs. Il était né dans le désert, au beau milieu de la misère humaine et de l'injustice. Une misère et une injustice qui leur permettait de vivre, lui et ses parents. « Ils étaient esclavagistes. » précisa-t-il tranquillement. Qui pourrait les juger sans les connaître ? Les blâmer sans avoir vécu leur vie ? Seul Amuk les connaissait suffisamment pour ça. Il leva les yeux pour fixer l'horizon. Le soleil se couchait, à l'ouest. Une scène qu'il avait si souvent pu admirer, mais qu'il n'avait jamais vraiment regardé. « Ils m'ont rapidement appris la valeur de la vie. Il y avait nous et il y avait les autres. Nous, nous étions importants. Les autres, ils étaient... utiles. Je n'avais pas le droit de leur montrer une quelconque considération. » Amuk lâcha un petit reniflement amusé et baissa les yeux vers la silhouette couchée à ses pieds. « Répète une leçon à un enfant pendant suffisamment longtemps et il finit par l'apprendre, pas vrai ? »

Bien entendu, seul le silence lui répondit. Un silence étrange, presque religieux. Elle l'avait pourtant tellement accablé de reproches, autrefois. Elle avait toujours détesté ce qu'il était, depuis le début, depuis leur toute première rencontre. Qu'elle ne dise rien alors qu'il lui ouvrait enfin son cœur l'angoissait presque, mais il savait qu'il tenait là la dernière occasion de le faire. « Alors en grandissant, je ne me suis pas posé de question, tu comprends ? Je ne savais rien faire d'autre que de chasser ceux de mon espèce. Les coincer. Leur tendre des pièges. Je savais qu'en échange de ces gens, j'aurais de quoi vivre. De la nourriture. De l'eau. Des objets. Des services. » poursuivit-il à voix basse. Il repensait à toutes ces personnes qu'il avait enchaînés, brisés, réduit en esclavage avec l'aide de ceux qui l'avaient rejoint plus tard. Tant d'âmes perdues. Il ne cherchait jamais à savoir si la personne qu'il ramassait était un saint ou un monstre. L'idéologie n'avait que peu d'importance à ce moment-là. Seul comptait ce qu'il pourrait tirer d'une capture. Il fut secoué d'un léger rire, presque accusateur. « J'aurais pu continuer jusqu'à la fin comme ça. Jusqu'à devoir moi-même choisir entre la liberté et la mort. » Il aurait pu, mais quelque chose était arrivé. Elle était arrivée, en vérité. Il se pencha et prit l'une de ses mains entre les siennes. La fraîcheur de la nuit qui tombait lentement commençait à se faire sentir sur sa peau.

Amuk ne pensait pas être capable d'oublier sa première rencontre avec elle. Il venait d'avoir vingt-cinq ans, à l'époque. Vingt-cinq ans à chasser l'homme. Vingt-cinq ans à se réjouir de la détresse d'autrui car elle signifiait son bonheur à lui. Vingt-cinq ans à arracher la liberté à ceux qui n'avaient que ça. Vingt-cinq ans à ne rien regretter. Pourtant, elle, elle avait été différente dès le départ. Amuk se souvenait de la course poursuite qui avait mené à sa capture. Lui et ses deux comparses de l'époque avaient mis trois jours avant de rattraper Scheyla et les siens. Trois jours au bout desquels ils les avaient finalement coincés, ensemble, alors qu'ils se terraient dans des formations rocheuses comme il y en avait partout dans le désert. Ils avaient lutté comme des beaux diables, mais Amuk et ses hommes avaient pour eux l'expertise que leur donnait l'habitude. « En tout cas ça aurait été le cas si tu n'avais pas été là. » Le soleil était complètement couché à présent et Amuk commençait à frissonner. Les nuits étaient moins froides que dans le désert, mais elles l'étaient suffisamment pour lui donner la chaire de poule. Il dû lui lâcher la main pour ramener contre lui les pans de son manteau de fortune, fabriqué à la va-vite lorsqu'ils avaient changé d'environnement.

Pourtant, malgré le froid, son regard se réchauffe et ses yeux semblent remplis d'étincelles lorsqu'il pose son regard sur elle. « Je n'avais jamais vu de femme comme toi. La plupart du temps, elles pleurent, tu sais ? Elles supplient pour leur vie, celle de leur mari, celle de leurs enfants. Toi m'as craché à la gueule et les seuls mots que tu prononçais étaient des insultes. » Sa combativité lui avait tout de suite plu. Ils avaient dû l'attacher plus fermement encore que les hommes avec lesquels elle voyageait.

Amuk ne l'avait pas quitté du regard de tout le voyage retour jusqu'à leur point d'échange. Il fut donc celui qui récolta le plus de provocations, d'insultes, de moqueries. Celui qui pu le mieux apprécier la combativité de plus en plus désespérée dont elle faisait preuve. Il ne lui avait pourtant pas adressé la parole une seule fois de tout le voyage, la laissant s'user et s'user inlassablement sur le rempart d'impassibilité qu'il lui renvoyait. « Pas toi. » Il lui adressa un regard amusé. « Toi tu m'aurais arraché les yeux pour les dévorer si je t'avais laissé faire. » Il jeta un coup d’œil derrière son épaule, scrutant la pénombre. Aujourd'hui il n'y avait personne pour surveiller ses arrière. Se faire surprendre par un animal sauvage ou un survivant dangereux à cause d'un manque d'attention de sa part serait stupide. Lentement, il reporta son attention sur Scheyla. Restant aux aguets. « C'est peut-être pour ça que j'ai décidé de te garder. »

Il y avait eu des protestations, de l'argumentation, des insultes et finalement, Amuk avait dû battre presque à mort l'un de ses compagnons pour faire comprendre à tous qu'il ne comptait pas céder sur ce point. Et ils avaient compris. Amuk posa par réflexe sa main gauche sur son bâton de combat, échangé il y avait bien des années contre l'une de ses prises, entre autres choses. Un bâton était moins létal qu'un couteau ou une lance, mais Amuk le maniait avec suffisamment d'aisance pour briser le crâne ou les os des importuns. Il n'en avait pourtant pas eu besoin ce jour là, se contentant de ses poings pour que le message rentre. Il n'y avait rien de plus personnel qu'un message délivré à la force brute de ses mains, à s'en faire mal aux poings. Il avait continué à lui meurtrir le corps bien après que l'homme ait cessé de le supplier d'arrêter. Emporté par la rage d'obtenir ce qu'il voulait, il n'avait laissé vivre son compagnon que sous l'insistance des cris angoissés de leur troisième comparse. Il avait alors jeté un regard terrible à ce dernier, le faisant reculer, avant de le planter là avec sa victime pour aller rejoindre Scheyla. Il se rappelait encore de son regard. La peur qu'il avait enfin supplanté la combativité dont elle avait fait preuve jusqu'à présent. La mâchoire d'Amuk se crispa au souvenir de ce qu'il s'était produit ensuite. Dans le désert, l'intimité n'existait pas. Tout le monde avait pu profiter de ce qu'il lui avait fait subir ensuite, les mains encore pleines de sang et la rage au ventre. « Est-ce que tu as jamais pu me pardonner ? » demanda-t-il brusquement, l'air grave, un poids broyant sa poitrine alors que ses mains se crispaient un peu plus sur son manteau. « Pour cette fois là ? Pour toutes les autres ? » Il ne savait toujours pas s'il devait la remercier ou la maudire de lui avoir permis de se découvrir une conscience. Et bien entendu, seul le silence lui répondit.

Les phalanges d'Amuk devinrent blanches à force de serrer le vêtement, puis il craqua. Son visage se tordit et il masqua ses yeux de l'une de ses mains alors qu'un premier sanglot le secouait. Sans s'en rendre compte, il se mit à se balancer lentement d'avant en arrière. Les larmes coulèrent sans retenues sur ses joues, preuves matérielles de la honte et du trouble dans lesquels se trouvait le jeune homme. Sa vie avait été si simple avant elle. Ne penser qu'à lui, se contenter de survivre sans laisser des barrières invisibles se dresser entre lui et ce qu'il désirait. Elle n'avait presque rien fait pour lui ouvrir les yeux pourtant. Amuk l'avait emmenée partout avec lui, dans leurs chasses, dans leurs ventes, dans leur vie de manière générale. Il l’exhibait comme un trophée, s'amusait de ses tentatives de fuite, s'enorgueillissait de voir que jamais elle n'abandonnait l'idée de s'enfuir. Mais aussi il lui parlait. Leurs discussions ne semblaient mener à rien. Elle ne cessait de lui cracher son dégoût au visage, lorsqu'elle ne le suppliait pas juste de laisser telle ou telle personne s'enfuir.

« Dire que même au fond du gouffre, tu gardais la force de vouloir protéger les autres... » lâcha-t-il au milieu de ses pleures. Un rire étranglé par les larmes lui échappa alors qu'il se penchait vers elle. « C'est dans ses moments là que tu étais la plus bavarde. Tu arrêtais de m'insulter, tu étais prête à me donner ce que je voulais pour que je laisse les autres libres. » Alors seulement elle lui parlait, lui expliquait, essayait de lui faire voir la vérité, pleurait, puis l'insultait à nouveau. Tout pour lui faire comprendre à quel point son raisonnement vicié n'avait rien de bon. D'un revers du bras, il s'essuya le nez et souffla un bon coup, levant la tête vers le ciel comme pour y puiser du courage. « Je trouvais ça tellement stupide au début. Tellement ridicule. » Son regard tomba sur ses pieds alors que ses mains se rejoignaient, se frottant l'une contre l'autre dans l'idée de les réchauffer. Son souffle commençait à faire de la condensation lorsqu'il expirait trop fort. Il ne comprenait pas vraiment ce qui lui arrivait. Il était en colère contre elle, furieux qu'elle l'ait forcé à embrasser son point de vue, mais plus encore de voir qu'il ne pouvait plus faire machine arrière. Ses réflexions avaient si bien fait leur chemin dans son esprit qu'il se donnait l'impression d'être un total étranger, coincé dans un corps pourtant si familier.

Il s'agita un peu, reniflant, cherchant une position plus confortable sur le sol. Puis, soudainement, il s'arrêta pour pointer un indexe accusateur sur elle. « J'ai fait ce que j'ai pu pour me racheter, Scheyla ! Je t'ai aidé à t'enfuir ! J'ai aidé les autres à s'enfuir aussi ! J'ai même tué mes seuls amis pour toi ! C'est bien la preuve que j'ai changé, non ? » Il resta un instant à contempler le silence, la respiration lourde, la fixant comme s'il espérait encore qu'elle lui répondre. Puis il laissa retomber son bras sur le sol, refermant ses doigts sur une touffe d'herbe. Il était loin, son désert natal. Ils avaient fuit à deux pour atteindre ces contrées verdoyantes et escarpées. La visibilité n'était pas la même ici, sans cesse coupée par des arbres, des rocs, des reliefs de végétation qui dissimulaient mille cachettes, mille dangers. Ils y étaient à le fois à couvert et terriblement plus exposés qu'en plein désert. Il retourna sa main, paume vers le haut, pour arracher les brins d'herbe qu'il tenait, ouvrant le poing pour observer sa trouvaille. Humide. Froide. Verte. « Je sais que tu me haïssais encore quand je t'ai aidé. Mais tu ne m'as jamais dit pourquoi tu m'avais demandé de t'accompagner. » Encore une fois, il se rappelait de ses cheveux bruns volant devant son visage alors qu'il la regardait se tourner vers lui. Viens avec moi, lui avait-elle dit. Il avait cru avoir mal entendu. Elle avait répété. Comme si les années passées à se faire traîner de capture en capture, subissant elle-même mauvais traitement sur mauvais traitement avait disparues.

Alors ils étaient partis, tous les deux et Amuk s'était vite rendu compte qu'il n'en était rien. Elle le haïssait plus encore, semblait-il, à présent qu'ils n'étaient plus que deux. Elle le haïssait avec une passion qu'il n'était pas loin de partager, bien que la cause en soit différente. La vérité était tout simplement qu'après tout ce temps, Amuk était tout ce qu'il lui restait. Voilà encore une chose qu'elle n'avait jamais réussi à lui pardonner. Secouant la tête, il laissa glisser l'herbe entre ses mains, puis les frotta énergiquement pour se débarrasser de ce qu'il restait avant de la regarder une nouvelle fois, avec toute la simplicité du monde. « Je ne sais même pas si tu as su pourquoi je t'avais suivi. » Un frisson le parcouru. Il n'y voyait plus à trois pas devant lui désormais. Il ne voyait même plus le visage de Scheyla. « Je t'aimais. » avoua-t-il comme une évidence. « Je ne sais pas quand c'est arrivé. Mais quand tu m'as demandé de te suivre, j'ai su. » Il leva pensivement la tête vers les étoiles. Tant de temps passer à la découvrir, à changer sans s'en rendre compte. Tant de temps passé à la comprendre de plus en plus. Il n'avait lui-même pas vu venir la naissances de ses sentiments, aussi malvenus, aussi malsains qu'ils soient. « J'ai su aussi que je ne pourrais jamais revenir en arrière. »

La fuite les avait alors menés jusqu'ici, dans les montagnes. Les deux autres n'avaient pas vraiment bien pris la nouvelle de son départ. Ils les avaient pourchassés sans relâche pendant des jours pour leur faire subir le sort qu'ils réservaient aux survivants qu'ils rencontraient alors, les forçant à quitter le désert pour qu'ils perdent leur trace. Ça n'est que lorsqu'ils se crurent à l'abri, perdu dans leur nouvel environnement, que les anciens compagnons d'Amuk leur tombèrent dessus. Un combat acharné s'en était suivi, alliés contre alliés, presque frère contre frère. Bientôt, ils en vinrent à lutter pour leur vie plutôt que pour leur liberté, Scheyla laissant enfin libre cours à la rage qu'elle gardait en elle depuis tant de temps, Amuk puisant dans sa connaissance des deux autres pour les battre alors qu'ils se dirigeaient lentement vers une issue fatale. Issue qu'ils finirent par atteindre. Amuk les avait tué tous les deux, mais pas avant que l'irréparable soit commis.

De rage, il frappa le sol de son poing, le heurtant avec un bruit meuble. « Mais c'est terminé maintenant ! » Son regard était dirigé vers elle, les sourcils froncés par la colère, les lèvres serrées à en disparaître dans sa barbe. « Regarde dans quoi tu me laisses ! Je suis seul, je suis perdu et je ne sais même plus qui je suis ! » Il attrapa son bâton qui gisait non loin de lui, froid et humide également désormais, puis se leva lentement. « J'aurais tant voulu que les choses se passent autrement. » Ne jamais l'avoir rencontrée. Ne pas l'avoir laissée mourir. Et il était là encore, l'étau. Celui qui lui comprimait le cœur et le ventre. Il prit une profonde inspiration, refusant de pleurer une deuxième fois alors qu'il sentait les larmes revenir à ses yeux. « C'est ignoble à quel point tu me manques. » finit-il par souffler, sa colère vaincu par la tristesse qu'il ne pouvait s'empêcher de ressentir. Il s'appuya sur son bâton et fixa une nouvelle fois le sol, comme pour se recueillir. Il devait partir à présent. Mais il y avait encore une dernière chose qu'il ne lui avait pas dit. « Je n'ai jamais eu le temps de te le dire mais... » il releva légèrement les yeux vers la forme qu'il devinait être son cadavre. « Tu es sans doute la seule personne dont la vie avait plus d'importance que la mienne. »

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